Pourquoi choisit-on d’aller visiter les Îles de la Madeleine? C’est une
question que plusieurs se posent et que beaucoup m’ont posée personnellement.
Petite histoire d’un voyage d’exploration inattendu.
Voici les thèmes abordés cette semaine.
* * *
POURQUOI ALLER AUX ÎLES DE LA MADELEINE?
Pour refaire le voyage des grands
navigateurs sur le fleuve.
Pour revisiter un Québec à
l’image de mes racines françaises.
Pour admirer une nature
grandiose, majestueuse, imposante.
Pour connaître le vertige de la
mer toujours présente autour de moi.
Pour observer à l’horizon le
mélange de la terre, de la mer et du ciel.
Pour saluer les couchers de
soleil sur la baie de la Belle Anse.
Pour
me mêler à des gens différents.
Pour ramener des histoires, des
accents, des odeurs et des saveurs sur le bout de la langue.
Pour côtoyer une société encore
authentique.
Pour partager une vie de labeur
et d’efforts avec les pêcheurs, levés tôt, couchés tard.
Pour apprécier le poisson frais.
Pour participer à la survie
économique d’une région éloignée.
Pour découvrir les mille trouvailles
des artistes créatifs.
Pour me sentir proche de cette
population émouvante, sensible et vivante..
Pour mesurer le temps autrement.
Pour comprendre que chaque
grain de sable est unique.
Pour revenir changée.
Pour aimer un peu mieux ma vie
avant, pendant, et après le voyage aux Îles.
Pour me faire de beaux
souvenirs.
Jocelyne
Voyage
d’un cormoran.
Depuis aussi loin que je me souvienne, je vole au-dessus
de la mer, celle qui entoure ces îles perdues en plein cœur d’un golfe. Une vie
humaine grouille durant le temps chaud. Sur l’eau, de drôles de machines
flottantes se déplacent parfois en des lieux très proches, parfois plus loin.
D’autres disparaissent à l’horizon peu après le lever du soleil après avoir
avalé quantité d’humains, mais réapparaissent avant son coucher vomissant
d’autres humains.
Quant à moi, je survole ces îles et cette mer
qui les entoure à la recherche de nourriture. Bien sûr, je ne suis pas
seul. D’autres oiseaux, blancs quant à eux, font comme moi et se nourrissent de
poissons. Seulement, je suis différent. Je suis obligé de me faire sécher les
plumes, contrairement aux autres qui possèdent un plumage imperméable.
Je suis fait comme cela, ce n’est pas grave,
mais ce qui me déplaît ce sont les rires moqueurs des humains qui n’hésitent
pas à me regarder à travers d’une petite boîte carrée qu’ils placent devant
leur visage. « Ils me prennent en photo » comme ils disent.
Je me suis demandé s’il n’y aurait pas un
endroit où je pourrais vivre loin de cette eau qui recouvre mes plumes et où je
pourrais me nourrir facilement. Après y avoir réfléchi, le seul moyen de le
savoir est de me servir d’une des machines roulantes qui sillonnent les îles.
Je n’ai qu’à profiter de ce que l’une d’elles est accessible et je m’installe
dedans avant qu’elle ne se fasse avaler par la grosse machine flottante. Voilà
des mois que j’observe et je ne crains pas de me faire avaler, car ces humains
y vont de leur plein gré. Il me suffit d’être à l’affût et de choisir le bon
moment et la bonne machine.
Le soleil vient de se lever, je suis en
position sur le bord de la mer. Je suis à la recherche de la machine qui va me
servir de transport. Tiens! En voilà une qui fait bien mon affaire. Elle est
assez volumineuse, même s’il ne reste pas beaucoup de place à l’intérieur.
Après tout, je ne suis pas très gros. J’attends que la grande bouche soit
ouverte et je m’installe confortablement, bien caché, juste à temps avant qu’elle
se referme.
Le temps d’attente fut assez long que j’ai eu
le temps de dormir un peu. Je suis réveillé par le mouvement de la machine qui
roule. Je n’ose bouger pour ne pas être repéré et j’attends tout en essayant
d’interpréter les sons. J’avoue que parfois la peur m’envahit lorsque j’entends
des bruits tellement forts. Je me rassure en pensant à la nouvelle vie qui
m’attend.
Même si la faim me tenaille un peu durant ce
voyage que je trouve interminable, je vis, malgré tout, une expérience
incroyable. Enfin, la machine s’arrête pour de bon. Je le sais, car les humains
ont commencé à enlever les objets qui m’entourent. Heureusement, ils ne m’ont
pas encore vu et je dois profiter de leur courte absence pour m’échapper et découvrir
mon nouveau milieu de vie.
Je survole cet endroit bien différent de ce que
je connais. Il n’y a pas beaucoup d’arbres ou d’herbes, il n’y a que des lignes
grises ou noires entre des blocs gris ou rouges, certains beaucoup plus gros
que d’autres. Une foule d’humains marchent en se bousculant, la tête penchée
sur une petite boîte qu’ils tiennent entre leurs mains, sans se regarder. Je
les observe d’en haut et ils me donnent le tournis tellement ils semblent
stressés.
Je continue ma découverte. En bas, ce ne sont
pas des humains qui fourmillent, mais des machines roulantes. Les unes collées
aux autres elles avancent en se faufilant à droite et à gauche. Ces machines
sont encore pires que les humains se déplaçant sur ces lignes grises.
Mais qu’est ce que cet endroit a pour attirer
autant d’humains qui ne paraissent pas heureux du tout d’être là?
Je commence à regretter mon départ. Je me
trouve plus chanceux de vivre au bord de cette mer. C’est moi qui dois rire de
ces humains. Ils ont l’air pas mal plus ridicule que moi avec mes ailes
ouvertes pour faire sécher mes plumes. Je ne peux rester ici, autrement je ne
donne pas cher de ma peau. Voilà plusieurs levers de soleil que je vis et j’ai
de la difficulté à me trouver de la nourriture. Je commence à faiblir. Je dois
trouver le moyen de revenir d’où je viens. Je retourne voir les humains qui
m’ont amené. Peut-être repartent-ils chez moi. Il me semble que je les voyais
souvent.
Ah tiens les voilà! Ils s’installent à nouveau
dans leur machine roulante avec certains objets qu’ils avaient la première
fois. Après tout, je n’ai rien à perdre, je tente le tout pour le tout. Je
m’installe presque à la même place tout en espérant me réveiller sur le bord de
la mer que je n’aurai jamais dû quitter.
Après un long voyage, je suis réveillé par le
bruit de la bouche de la machine flottante qui s’ouvre. Je me sens bouger et me
tiens prêt à sortir dès que je le pourrais. Sans en être encore sûr, j’ai le
sentiment d’être revenu à mon nid, les sons me sont familiers. Jamais plus je
ne quitterai ce coin où je suis né, je veux y mourir. De plus, les humains
pourront toujours rire de moi, ce n’est rien. Moi je sais comment ils vivent et
je ne les envie pas. Si je peux les faire rire un peu, alors tant mieux, je
vais continuer à me faire sécher les ailes.
Dominique
Je
remercie Jocelyne pour l’envoi de son texte.
Bonne
semaine à toutes et à tous.
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