La tête dans les vagues

Assise à ma table, face à la mer, où le vent souffle les embruns suivant le courant, je trouve l'inspiration qui me permet, au fil des mots, de vous partager mes passions.

dimanche 25 septembre 2016

Quelque chose s’achève. Quelque chose commence

Septembre. Le mois des débuts et le mois des fins.
Le début de la rentrée scolaire, le retour au travail, le début des changements de couleur.
La fin des vacances, la fin des sandales et des vêtements de plage.
Pour moi, septembre est le contraire. C’est la fin de mon travail sur le bateau. C’est le début de mon séjour sur la terre ferme pour plusieurs mois.
Septembre. L’été commence à faire ses valises pour son voyage de l’autre côté de la boule bleue. Il range ses accessoires et ses décorations : le ciel bleu ou avec quelques nuages, les feuilles vertes sur les arbres, les fleurs multicolores dans les champs ou devant les maisons, le soleil constant, la chaleur et son humidex, les parasols de plage, les cultures qui poussent.

Il range tout cela dans ses grands coffres, car il doit laisser la place à son successeur.

Septembre. L’automne arrive avec ses bagages. Tranquillement, sans provoquer le moindre choc, il redécore le lieu : Il met du jaune et du rouge sur les feuilles, les pétales des fleurs sont tombés, la chaleur du soleil diminue et les nuits sont plus fraîches, les nuages d’automne, les accessoires d’été sont rangés, c’est le temps des récoltes. L’automne sera là pour 3 mois avant de laisser, à son tour, la place au locataire suivant.
Septembre. C’est le temps pour moi de faire le bilan de ma saison de croisière.
Premier embarquement le 14 juin. Une petite semaine à terre et à nouveau sur le bateau du 1er juillet au 16 septembre. Au total 12 semaines ½ dans mon nouveau logis, le CTMA Vacancier, dans ma petite chambre très bien organisée, avec deux étages de salon à ma disposition. Mais surtout 12 semaines ½ à naviguer sur le fleuve.
Durant ces semaines, aucune tempête. À part une journée où le fleuve est venu nous rappeler que c’était lui qui menait, j’ai parfois oublié que je naviguais. Chaque jour, le paysage était magnifique et ne cessait de m’émerveiller. Chaque départ, je me disais :
« Bof! Je connais tout ça, après tout ce temps »

Et chaque jour, c’était différent.
Depuis 5 ans et 48 croisières entre Montréal et les Îles de la Madeleine, lorsque je regarde mes photos accumulées, j’y distingue des différences.
 Et puis, il y a eu la vie à bord. Côtoyer les membres d’équipage, rencontrer chaque semaine un groupe différent de passagers. Les adresses échangées, les promesses d’une visite. La tristesse, lorsque le vendredi matin, tous ces nouveaux amis quittent le navire pour reprendre le cours de leur vie.
Parlons des membres d’équipage. Je me sens privilégiée de vivre ces semaines à leur côté. Ce serait trop long de tous les énumérer. Il y en a que l’on croise au quotidien et avec qui nous avons des fous rires. Il y a ceux qui sont dans l’ombre, dans la salle des machines ou dans les cuisines. Tous, par leur travail, ont fait en sorte que ces 12 semaines ½ ont passé trop vite, que j’ai eu de la peine le vendredi 16 septembre quand j’ai débarqué ma valise pour la dernière fois, que j’ai caché les quelques larmes que je ne pouvais retenir, que j’ai déjà hâte à l’année prochaine.
Je voudrais remercier les employés au service à la clientèle. Que ce soit à la réception, au service au restaurant ou à la salle à manger, aux bars, au service aux chambres et à l’entretien. Votre gentillesse, votre sourire dans les bons ou les mauvais jours, votre patience vont me manquer durant ces prochains mois. Bien sûr, on reste en contact, mais ce n’est pas la même chose que de vivre sur le même bateau.

Je veux tous vous souhaiter un bon hiver. Reposez-vous vous le méritez et au plaisir de vous revoir en 2017.
Septembre. C’est la fin de mes ateliers d’écriture sur le bateau. C’est le début du partage de mes nouvelles découvertes, de mes nouvelles histoires, de mes nouveautés littéraires.
Je vous souhaite à tous chères lectrices et chers lecteurs, un bel automne et ses couleurs en attendant le monochrome de l’hiver.
Au plaisir de vous raconter d’autres histoires.

Bonne semaine à toutes et à tous.

mardi 20 septembre 2016

Les grandes douleurs sont muettes

Pour conclure les ateliers d’écriture durant les croisières, j’ai choisi comme thème le proverbe. Parmi cinq proverbes sélectionnés, le tirage a décidé :
« Les grandes douleurs sont muettes (l’extrême souffrance morale ne fait entendre aucune plainte ».
Ouf! Tout un proverbe. Pour toutes les personnes présentes, ce ne fut pas facile, car cela fait ressortir beaucoup d’émotions.
Cette semaine, trois participantes m’ont offert leur texte et je me fais une joie de les partager.

* * *

Les grandes douleurs sont muettes

Elle était seule avec Carpette, sa chatte d’Espagne qui allait et venait au gré de son appétit. Elle regardait distraitement les lents mouvements de l’animal et se sentait tout à coup réconfortée. Elle était lasse de courir, lasse et épuisée de tant de vitesse dans sa vie, exténuée juste à penser à tout ce qui restait à faire…

Sa cuisine était sale, le dernier repas à moitié consommé séchait sur le coin du comptoir. Les factures s’accumulaient. Le dernier verre de vin séchait sur le coin de la tablette près de la fenêtre.

Elle était donc fatiguée tout à coup. De plus en plus vide de tout désir, de tout espoir, de toute lumière. VIDE… Vide et triste. Tiens! C’était nouveau la tristesse. Elle ne l’avait pas entendu arriver cette grosse peine et BANG, elle était là. Elle prenait toute la place dans cette petite pièce sombre.

La tristesse, la fatigue, la culpabilité. Elle n’avait plus les mots pour dire sa souffrance. Personne ne savait ce qui se passait dans sa petite maison en bord de mer.

Personne ne savait puisqu’elle restait cloîtrée ou feignait la joie. Personne n’entendait les cris de sa souffrance. Personne… sauf peut-être la petite chatte trois couleurs qui tout doucement la frôlait et s’installait tout près d’elle.

Elle savait, cette douce Carpette aux couleurs du tapis, que « les grandes douleurs sont muettes »… Elle savait et compatissait. Elle entendait la peine trop présente dans ce lourd silence. Silence, trop lourd, trop sombre. Silence inhabituel dans cette maison autrefois si joyeuse.
Silence…

Carole Malo


Je te vois avec ton sourire vide. Tu évites mon regard.
J’essaie de te soutirer une parole, te faire dire que tu souffres à l’intérieur, mais rien ne fait paraître que tu es en détresse.
Tes grandes douleurs sont muettes. Seule une maman peut déceler ta grande détresse.


Comment puis-je faire pour te sortir de cet abîme qui détruit ton âme?

Tout le monde te trouve formidable, beau, intelligent. Mais pourquoi on ne s’aperçoit pas de tes plaies intérieures?

Si j’étais magicienne, je pointerais ma baguette sur ton cœur afin qu’il batte au tempo du bonheur.

Je fais naître sur toi une lumière qui te guidera et t’amènera des gens qui te sortiront de ton sortilège.
Oui, je le répète à tous ceux qui veulent l’entendre « Les grandes douleurs sont muettes ».

Lili


C’était le premier jour de beau temps cette année-là.
C’était le 1er mai, il faisait beau et chaud. Même les outardes n’avaient pas encore toutes pris leur envol pour leur migration annuelle.


C’était le 1er mai, il avait 13 ans et l’appel de l’extérieur lui avait ouvert grand la porte pour aller jouer avec ses amis.

C’était le 1er mai, il a fait une chute mortelle.
C’était le 1er mai, mon fils est mort dans mes bras.
Ma vie venait de s’arrêter…
Je me souviens, lorsque le médecin m’a confirmé le décès, j’ai hurlé :
« Coupez-moi un bras, une jambe, mais sauvez-le! »
Il a pleuré avec moi et lui aussi a pris conscience de ses limites et moi… j’avais perdu mes deux jambes, je me suis écroulée.

Il est dit que « les grandes douleurs sont muettes ».
Les jours, les semaines, les mois ont passé. Mes yeux sont restés secs, mes ovaires et mon utérus criaient, hurlaient leur douleur sans que personne ne les entende. J’étais seule face à ma douleur.
C’était le 1er mai…
À compter de cette date, il y a eu les avants et les après…
Après, j’ai réappris à marcher, à rire, à travailler…
Après j’ai fait le choix le plus important et crucial de toute ma vie. J’ai choisi de « vivre avec » cette situation. J’avais le choix de pleurer ma vie ou de la vivre. J’ai choisi la deuxième option qui n’était pas la plus facile, mais celle qui m’a permis de grandir, de voir la vie autrement, d’apprendre.
C’était le 1er mai…
Mais il est toujours là, il m’accompagne partout où je vais… il est encore vivant.


Farfelue
(sur le bateau vers les Îles de la Madeleine)


Les grandes douleurs sont muettes

Durant ma jeunesse, ma timidité m’empêchait de m’exprimer, mais surtout de me défendre ou de prendre ma place.
Au fil des années, je m’étais installée « confortablement » dans cette situation. Je dis confortablement, mais c’était plus de l’inconfort. Je pensais que j’étais née comme cela et que je devais vivre ainsi toute ma vie.

Même si je voulais me révolter, dire combien j’étais malheureuse, je n’osais pas. Mon silence m’occasionnait diverses maladies bénignes, mais parfois douloureuses.
Devenue adulte, après avoir élevé mes enfants, je me suis jurée de ne plus vivre de cette façon. J’ai décidé de guérir mon corps, mais surtout mon psychologique, mon moral, mon mental. J’ai décidé de prendre ma vie en main.
Ma mère disait souvent :
« Il faut se méfier de l’eau qui dort »

J’étais cette eau dormante et je me suis déchaînée. J’ai fait sortir mes douleurs muettes. Je les ai exprimées. Je les ai jetées au vent afin qu’elles s’éloignent de moi le plus loin possible.

Ouf! Quel soulagement j’ai ressenti! Quel bien cela m’a fait!

Mes petits problèmes de santé ont disparu. Je suis devenue une tout autre personne. Lorsque quelque chose me blesse, aussitôt je le crie haut et fort. J’ose me plaindre lorsque cela ne va pas, car je ne veux pas retomber dans ces douleurs muettes.
« Les grandes douleurs sont muettes »
J’aimerais sincèrement que personne n’ait à garder ses douleurs pour lui-même, mais les exprimer et les partager.

Dominique Damien

* * *

Voilà qui achève 12 semaines et demie de partage, d’union avec quelques personnes qui sont venues s’amuser avec les mots, mais surtout échanger un petit morceau de leur vie. Chaque atelier, je découvre les joies et les douleurs de chacune et chacun. Ce petit moment d’intimité nous ouvre le cœur et nos témoignages scellent le lien qui s’est tissé après 20 minutes de rédaction.
Je veux remercier sincèrement toutes les participantes et tous les participants cette année. Comme les années précédentes, ces rencontres vont rester gravées dans mon cœur.
Si toutefois certains d’entre vous, chères lectrices et chers lecteurs, vous seriez tentés de rédiger un texte sur les thèmes vus cet été, n’hésitez surtout pas. Et si vouliez que je le partage, alors envoyez-le-moi sur mon adresse courriel :


Bonne semaine à toutes et à tous.

lundi 12 septembre 2016

Le fleuve Saint-Laurent

Croisière thématique sur les richesses maritimes. C’est donc tout naturellement que j’ai choisi comme thème cette semaine, le fleuve Saint-Laurent. Ce fleuve et la nature qui l’entoure ou l’habite et un bien précieux que nous devons protéger. C’est en le découvrant que l’on prend conscience de sa force, mais surtout de sa fragilité. Il n’y a pas de médecins pour le fleuve, alors c’est à nous de le protéger et de prévenir tout ce qui pourrait le détruire.
En écoutant les textes livrés cette semaine, je me suis rendu compte que beaucoup comme moi aiment ce fleuve et prennent conscience de son importance, mais surtout de sa fragilité.



Le fleuve Saint-Laurent


Cette route qui me berce chaque semaine depuis cinq étés fait désormais partie de moi. Je ne peux imaginer un Québec sans le fleuve Saint-Laurent.
Avant mon arrivée dans ce beau pays, je vivais en montagne, loin de tout bord de mer. Il y a 18 ans, j’ai découvert le fleuve Saint-Laurent, mais vu de la terre. Déjà là, j’étais émerveillée. Souvent, je me rendais sur le bord de la rive et je rêvais en regardant l’eau filer par le courant. À ce moment-là, je ne pouvais me douter que je naviguerais chaque été dessus.

Le fleuve Saint-Laurent m’envoûte et m’apaise. Une fois sur le pont du bateau, plus rien n’a d’importance, plus rien ne vient troubler ma quiétude. L’eau du fleuve est comme le sang qui me fait vivre. Il est la veine principale du Québec.
De plus, le fleuve est mystérieux. Il semble calme en surface, lorsque le temps est clément, mais une vie sous-marine l’habite.


Tout s’agite dans ses profondeurs. C’est comme s’il voulait tout garder pour lui. Comme s’il voulait protéger ses fonds marins de tout prédateur.
De temps en temps, une baleine monte en surface et nous salue pour aussitôt replonger dans les bras protecteurs des eaux du fleuve.
Naviguer sur le fleuve me fait voir la vie différemment.

Il sait parfois aussi nous montrer son côté agressif. Il ne faut pas le combattre. Il faut l’apprivoiser, il faut se fait adopter par lui.
Le fleuve me nourrit spirituellement et depuis cinq années à le voisiner, je me sens plus forte. J’ai bien l’intention de le côtoyer et de l’aimer encore de nombreuses années.

Dominique Damien

Je remercie tous les participants pour leur participation et la lecture de leur texte touchant ou humoristique. Ce fut un beau moment d’échange.

Bonne semaine à toutes et à tous.