Une semaine d’aventure, d’intrigues, de questionnement et de
retrouvailles. Des textes riches, beaux. Des auteurs intéressants et
attachants. Merci aux participants pour ce beau moment.
Visiter les Îles, c’est
retourner dans l’histoire. L’histoire des gens, l’histoire du pays, cette
histoire qui me passionne.
Comment les gens en sont
arrivés-là, sont devenus ce qu’ils sont?
Partis de loin, avec peu de moyens,
ils se sont installés, ils ont rebâti une vie, une identité. Ils sont devenus
un peuple différent, tout en conservant leurs racines, leurs différences.
Leur langage m’interpelle,
comme s’ils me rappelaient un lointain souvenir. Leur sens de l’humour, leur
capacité d’adaptation me fascinent. Ils doivent avoir souvent ri ou pleuré
ensemble tant ils ne font qu’un.
Quelques jours ont suffi pour
se faire des souvenirs, des amis, des attaches aussi solides que les nœuds des
marins.
Diane
Le salon rouge
Sur le bateau, à droite de la
réception en entrant, se trouve le « salon rouge ». Un canapé de cuir
rouge court le long du mur. Des fauteuils piqués entourent cinq petites tables
rondes. Un canapé d’angle rouge sang occupe la paroi intérieure.
Le paquebot avance sur le
Saint-Laurent dans la brume automnale de ce mois de juillet. Seule concession
au rouge, le tapis est vert et les murs acajou.
Le nom « salon
rouge » me parut approprié pour traduire l’impression de calme voluptueux
qui se dégageait des lieux. Mathieu Bournaud, un vieux marin travaillant sur le
bateau m’a parlé de l’origine de ce nom.
Au départ, les meubles étaient
bleus comme la mer, comme l’emblème du Québec. Les tissus ont été remplacés il
y a une vingtaine d’années. Une nuit, une dame était restée endormie dans le
salon. Le lendemain matin, elle était toujours là dans la même position. Une
flaque de son sang rouge comme le cuir des fauteuils s’était répandue sur le
tissu bleu. La dame se nommait Rosalie Volet.
Monsieur Volet, grâce à qui
nous avons aujourd’hui cet élégant « salon rouge » dort à la prison
d’État Saint-Antoine.
Patrick
Le chant du Kraker
Le navire voguait sur la mer
houleuse depuis plusieurs jours. Au matin, une île avait été aperçue au loin,
redonnant espoir aux marins perdus. La dernière tempête n’avait pas été douce
et avait fait diverger le vaisseau de sa trajectoire initiale vers un lieu tout
à fait inconnu du jeune capitaine. Il avait tenté de déterminer sa position en
observant les étoiles, sans succès. La présence d’une île permettait d’espérer
le ravitaillement des vivres qui commençaient à manquer.
Un brouillard épais se leva,
enveloppant le navire et l’emprisonnant dans un cocon humide. Le clapotis des
vagues contre la coque de bois était le seul son pouvant être entendu. Un
silence féérique annonciateur de danger rendait le capitaine nerveux.
Une mélodie parvenant de l’île
flottait doucement vers l’équipage. Les marins crurent reconnaître des voix
féminines. Une certaine fébrilité se répandit à bord.
Plusieurs murmures épouvantés
se joignirent au chant. Certains croyaient aux sirènes, d’autres à l’esprit
vengeur d’un pirate décédé ou encore à l’effroyable Kraken pour lequel on
allait sacrifier de jeunes femmes.
Le capitaine déglutit
péniblement. Il devait aller sur l’île, ne serait-ce que pour quelques heures,
pour réparer la proue, peut-être même chasser et enfin avoir de la viande
fraîche. Toutefois, les poils hérissés sur sa nuque suggéraient que l’endroit
était possiblement hanté et y amarrer pouvait lui être fatal.
Indécis, il vit trop tard les
récifs rocheux vers lesquels son bateau se dirigeait rapidement. Il n’eut pas
le temps de changer de cap avant qu’un doigt rocheux acéré ouvre la proue comme
une simple coquille de noix.
Des cris s’élevèrent sur le
pont alors que des tentacules s’agrippaient au bastingage et qu’une sirène
armée d’une lyre s’époumonait au milieu de la mêlée.
Le mât se fendit en deux et
s’écrasa dans la grande étendue bleue. Le capitaine su à ce moment que tout
était perdu et que son navire irait rejoindre les multiples épaves qui
jonchaient déjà le fond du fleuve.
Stéphanie
C’est ma première croisière et
la première fois aux Îles.
Je ne trouve pas les mots pour
décrire mes sentiments à propos de la croisière. J’aime, je n’aime pas. Je me
sens bien, j’ai mal au cœur…
Depuis mon départ, j’ai été accueillie par des gens formidables avec un vécu extraordinaire, des personnes qui dégagent l’amour de la vie. Des gens passionnés.
Je me trouve chanceuse que ces
personnes-là me racontent tous un peu de leur sans hésiter.
Je fais cette traverse un peu
comme la température qui change. Au début, c’est la brume (des nouvelles
personnes) puis viennent les éclaircies (ils me sourient). Ensuite le soleil
(ils me racontent leur vécu).
J’ai été servie comme une
reine, les repas sont tous très bien présentés et savoureux comme le service et
le personnel.
Les Îles. C’est presque un
autre monde. L’accent des gens, leur mode de vie, la terre, les paysages. Je
n’ai pas vu de culture de petits arbres.
Et pour finir, j’ai trouvé une
grand-tante qui habite les Îles. La joie dans nos yeux quand nous nous sommes
vues et toutes les choses que l’on voulait se raconter dans le peu de temps que
nous avions. Pour moi, donner des nouvelles de ma famille, elle me raconter ce
qui c’était passer depuis ces 18 dernières années, depuis la dernière fois que
l’on s’était vues.
Manon
Journée de brume.
Le bateau navigue enveloppé
d’une aura blanchâtre.
Les sons assourdis s’étouffent
au loin.
De temps en temps, un bord de
côte apparaît.
La sirène retentit tout à coup.
Un confrère croise notre route.
Journée de brume.
Brume de mystère.
Que se passe-t-il en arrière
de ce rideau blanc que le soleil peine à percer?
Percé! Tiens! le rocher montre
son nez à bâbord.
Il me surprend à la dernière
seconde.
Je me forçais les yeux pour
l’apercevoir.
Il est si proche et si
majestueux.
La brume amplifie son effet et
le rend encore plus imposant.
Journée de brume.
Journée de réflexion.
Le navire continue sa route,
imperturbable.
Depuis le temps, la brume est
une compagne qu’il a appris à maîtriser.
Journée de brume.
Journée de blancheur.
Tout est blanc dehors,
intriguant.
Puis, petit à petit, le soleil
renforce ses rayons qui finalement percent.
Les couleurs, pâles au début,
apparaissent.
La chaleur des rayons dissipe
le rideau qui s’évanouit en silence, timidement.
Ce n’est qu’un au revoir, car
bientôt ou plus tard, la brume reviendra nous envelopper durant une autre…
Journée de brume.
Dominique Damien
Bonne semaine à toutes et à tous.